Bulletin n°16

« Une machine subtilement déréglée » – par Marie de Quatrebarbes

A propos de Robert Walser : Cendrillon, traduit de l’allemand par Roger Lewinter, éditions Gérard Lebovici, 1990.

« Le merveilleux petit soulier à facettes s’en allait dans
plusieurs directions. » (L’amour fou, André Breton)

*

Jardin derrière une maison.

CENDRILLON

Pleurer ne veux, qu’elles me tancent,
à pleurer, car seul est méchant,
non de tancer, mais de pleurer.
A leur hargne, si je ne pleure,
la haine devient chère et douce,
comme un gâteau ; si je pleurais,
elle serait un noir nuage,
envieux, qui soleil nous cache.
Non, la haine, si je pleurais,
si lourdement me poignerait,
que ne s’assouvirait de larmes.
Elle me ravirait la vie,
monstre qu’elle est, me dévorant
à mort. Son être de poison,
dans son entier, qu’il m’est aimable,
joyeuse que je suis, jamais
qui ne pleure, qui ne connais
d’autres larmes que de la joie,
que du plaisir irréfléchi.
Un lutin dans mes sens se loge,
qui ne sait rien de la tristesse.
Si elles me font pleurer, pleure
ma gaîté ; me haïssent-elles,
les aime mon plaisir, qui même
la haine ne saurait haïr.
Me poursuivent-elles, aveugles
de rage, des dards du courroux,
je souris. Mon être, le leur
éclaire, comme du soleil.
Le rayon serein éblouit,
s’il ne parvient à les toucher,
un instant leur coeur endurci.
Et, sans cesse en besogne étant,
pour pleurer je n’ai pas le temps,
mais pour rire, je l’ai toujours.
Travail rit. Mains qui le font, rient.
L’âme rit, qui volontiers fait
ce qui d’autres âmes, butées,
à l’amitié gagne. Coeur, viens,
et chasse d’un ris mon souci.

*

Le dramolet de Walser s’ouvre sur le monologue de son personnage principal, Cendrillon. La jeune fille est seule, à peine située dans un jardin derrière une maison. Elle prononce à l’attention du public quelques paroles programmatiques qui renversent le modèle attendu du conte…

Cliquer ici pour lire l’étude de Marie de Quatrebarbes

n° 16

LECTURE, PARUTION, EXPOSITION

Parutions

Grégory Castéra, Yaël Kreplak, Franck Leibovici et alii : des récits ordinaires, Les presses du réel / collection Villa Arson, 14 livrets sous étui. (L’exposition des récits ordinaires s’est tenue à la Villa Arson, à Nice, du 12 avril au 9 juin 2014.)

Cahier du Refuge n° 240 « Anne-Marie Albiach », centre international de poésie Marseille, mai 2015.

Martin Richet – traduction et édition d’un ensemble au format PDF de 30 chapbooks bimensuels et 5 numéros de revue de poésie anglo-saxonne et américaine, se concluant par un numéro de revue français – : « Bulletins Jacataqua », du 3 février 2015 au 3 février 2016 (Stein Day).

Exposition

Jean-Michel Alberola : L’Aventure des détails, Palais de Tokyo, du 19 février au 16 mai 2016.

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