Tractatus infinitivo-poeticus

Au fond, il s’agirait d’être et de vivre, et des appuis ou des entraves qu’être et vivre reçoivent des mots. Des questions « de fond » donc, mais des questions de quoi ? : de philosophie ? (de métaphysique ? d’éthique ?) ou bien de poésie ? La forme, qui serait le domaine de la poésie, n’est-elle pas essentielle au fond, à ce que peuvent devenir être et vivre ? N’est-elle pas déjà être et vivre ? C’est l’hypothèse suivie depuis toujours par l’auteur (prétendument philosophe) et qui s’exprime de manière plus radicale que jamais dans ce Tractatus : « rouvrir les très vieilles et toujours très vivaces questions des rapports de la logique et de la grammaire d’une part, de la philosophie et de la poésie d’autre part. »

L’écriture infinitive (sans noms, sans les savoirs et les certitudes qu’on fait d’ordinaire porter aux substantifs) s’enrichit ici de deux dispositifs formels qui avivent les questions : une métrique serrée, bien qu’inapparente (les conditions de nos existences ?), et des motifs graphiques bien apparents que les verbes dessinent sur la page en s’assemblant (les formes qu’être et vivre nous amènent à prendre ?). Donnent-ils la partition d’être et de vivre ? Avons-nous seulement à les interpréter – les conjuguer ?

Curieusement, les motifs dessinés sur la page rappellent ceux que, dans 36 Morceaux, l’auteur (dessineur) avait tenté de relever à la surface de la mer en convoquant plusieurs instruments (plume, compas, crayon). Or les traits deviennent ici des lignes de verbes conjoints.

Car ces maigres instruments que sont les verbes infinitifs trouvent des alliés dans ceux de la typographie. Et ce sont les plombs, étants et vivants, allégés et mobiles, qui s’agencent, composent et interprètent à présent les 36 configurations verbales de ce traité.

(Imprimé sur les presses typographique de l’Annexe à Marseille, ce livre a bénéficié, durant le tirage, de la présence et de l’attention soutenues de Merlin Jacquet-Makowka. Un reportage photographique d’Emmanuel Fournier, venu assister à l’impression, est disponible en suivant ce lien)