L’Anagnoste

Extrait de la préface de Michèle Cohen-Halimi intitulée « Un test de mémoire » :

« Dispersées, peut-être disparates, ces vingt et une études ont été écrites pendant une période de neuf ans, selon une périodicité fixe, puisqu’elles étaient commandées par Claude Royet-Journoud pour sa revue semestrielle Anagnoste. Leur collection reste ici incomplète car la publication d’Anagnoste se poursuit, mais elle m’a semblé peu à peu gagner la physionomie d’un livre. Comme une variation libre fait surgir, par vue récurrente, des adhérences, des idées fixes, des obsessions, l’obsession d’une question : qu’est-ce qui (se) passe, quand nous lisons ? Le livre s’est composé, à mon insu, au rebours de cette obsession : écrire le corps de la lecture, ses états, ses mouvements, en faire la fiction de l’écriture. C’est un livre à rebours.

« Dans Ménon, Platon met en scène la reconstitution, par un esclave ignorant, d’une démonstration géométrique dont il est dit qu’elle est une anamnèse. Apprendre ne serait qu’anamnèsis. On ne saurait que pour se ressouvenir d’un savoir oublié. Aucun savoir ne se grefferait sur le corps ignorant, mais pourrait seulement se déployer depuis l’intérieur de cette ignorance, à partir d’une donation virtuelle dont le fait resterait sans pourquoi, dont le passé serait absolu, et qui lèverait par la seule possibilité qu’elle suscite le désir de savoir. De ce modèle nous pourrions faire la structure narrative du « à rebours », qui servirait à analyser la virtualité des conditions de la lecture, le corps spécifique du lecteur, son hypothèse ou son être transitionnel, puisqu’il est effet du texte, c’est-à-dire du possible qui fait reflux par sa lecture. »