Bulletin n°22

« Vénus au miroir » par Françoise de Laroque

A propos de : Anne-Marie Albiach, La Mezzanine. Le dernier récit de Catarina Quia. Préface de Jacques Roubaud – édition établie par Marie-louise Chapelle et Claude Royet-Journoud – Seuil, « La librairie du XXI° siècle », mai 2019.

« Je pense et tout le texte invite à penser qu’une fiction qui aurait été poursuivie plus longtemps, revue sans cesse, reprise, augmentée et révisée, aurait rendu le déroulement beaucoup moins dense, moins saisissant, moins serré. »

Jacques Roubaud, préface à La Mezzanine.

 « Claude, crois-moi, ce n’est pas une plaisanterie. C’est un roman policier. » Pourquoi ne pas prendre Anne-Marie Albiach au sérieux ? Incontestablement, La Mezzanine est une enquête (surtout dans les Cahiers). Un meurtre semble avoir eu lieu ou se prépare. Une autopsie est envisagée. Le corps du délit n’est pas facile à cerner d’autant que la victime se multiplie (je, elle, Catarina Quia, Anna-Lisa et même davantage) ou se démultiplie, c’est alors à l’intérieur de son corps que l’enfant ou bien la femme est menacée. « Une enfant est morte, ou bien est en train de mourir en moi, pensait Catarina Quia. Elle meurt de peur, elle meurt en rêves, elle meurt en fantasmes, m’emportera-t-elle ? » La difficulté vient aussi de ce que le témoin principal est convaincu qu’on ne la croira jamais et que témoin, enquêteuse et victime relèvent d’une même instance. Le coupable d’ailleurs ne serait-il pas la victime-enquêteuse qui, à plusieurs reprises, fortement se soupçonne ? Inutile de dire que l’énigme ne sera pas résolue, mais l’insistance du « crois-moi » exprime clairement le souhait que La Mezzanine soit lue comme un récit et non comme un journal écrit à bord de la Nef des Fous, ainsi nomme-t-elle le bateau (Sainte-Anne) dans lequel elle est au début embarquée. Et comme on plaisante toujours un peu en prétendant ne pas plaisanter, retenons l’idée de plaisir contenue dans le verbe : l’impulsion fictionnelle qui la saisit – sensible ne serait-ce que dans les imparfaits de narration et le recours au personnage de Catarina Quia – plaît à Anne-Marie Albiach. L’élan sans cesse repris – des forces s’obstinent à contrarier le vol de son « tapis volant planté au sol, » plaisante-telle encore – tient le lecteur en haleine (n’est-ce pas le propre du roman policier ?), comme si, constamment déstabilisé, il ne pouvait interrompre la poursuite du récit ou de son propre équilibre menacé.

Anne-Marie Albiach est poète. Dans son écriture poétique, elle travaille la langue en la poussant sur la page vers chant et chorégraphie, ici elle l’exerce à la continuité de la prose…

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n° 22

LECTURE, PARUTIONS

Parutions

Gertrude Stein, Mrs. Reynolds, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Martin Richet, introduction de Jacques Roubaud, Cambourakis « Literature », septembre 2018.

Anne-Marie Albiach, La Mezzanine. Le dernier récit de Catarina Quia, préface de Jacques Roubaud, édition établie par Marie-louise Chapelle et Claude Royet-Journoud, Seuil « La librairie du XXI° siècle », mai 2019.

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