Clark Coolidge
par Guillaume Fayard
Né en 1939 à Providence, Rhode Island, Clark Coolidge est l’auteur d’une quarantaine de livres de poésie. Co-fondateur avec Michael Palmer de la revue Joglars (1964−1966), Clark Coolidge a en commun avec celui-ci d’être un poète de l’intergénération qui relie, aux Etats-Unis, l’école de New York (John Ashbery, Frank O’Hara, Ted Berrigan, etc.) au mouvement L=A=N=G=U=A=G=E.
Comme le dit Michael Leddy, « Coolidge was a language poet before there was language poetry ». L’étude de la géologie induit chez Coolidge une conception du langage comme tas, pure matérialité entropique, sur les traces de Robert Smithson (cf. A Heap of Language, 1966). Sur les prémices de l’école de New York, ses premières réalisations témoignent d’une phase d’expérimentation ouvrant sur une poétique minimaliste. Choisissant l’abstraction, Coolidge se livre à l’observation d’un nombre très limité de mots par page et aux effets de sens qui se produisent entre eux. Cette recherche fondamentale aboutit à la publication de Space (Harper & Row, 1970), puis au climax formel de ses deux livres les plus radicaux à bien des égards : The Maintains (This Press, 1974) et Polaroïd (Adventures in Poetry / Big Sky Press, 1975).
The Maintains est une traversée du dictionnaire, dont le mode opératoire consiste à prélever dans le corps des définitions des bribes de ce langage qui, précisant l’emploi des mots, les maintient indissociablement en langue, arc-boutés les uns contre les autres. Polaroïd, publié en 1975, est la radicalisation de ce travail de la langue comme corpus, terrain, matière dont la consistance peut être éprouvée. En 100 pages que l’on pourrait considérer comme autant de bacs de développement photographique, l’observation de rares mots pleins dans un environnement quasi exclusivement grammatical devient terrain de possibilité ultra-syntaxique, où se mesure un degré zéro du langage, éclairé de brefs éclairs connectifs. Ces livres permettent à Coolidge de faire en quelque sorte table rase, et d’affirmer les bases d’une poétique sur laquelle son oeuvre se construira, et qui passionnera les poètes L=A=N=G=U=A=G=E.
Spécialiste reconnu de Jack Kerouac, musicien de Jazz et contemporain de l’art conceptuel, l’écriture de Clark Coolidge en porte les traces, relevant de la performance improvisée tout en étant formellement radicale. Un mouvement expansif – quoique la pratique du vers libre soit chez lui récurrente – conduirait du minimalisme de Space (1970), par le socle structuraliste de Polaroïd, vers les proses stratifiées de Dépositions smithsoniennes (1980) ou de Alien Tatters, 2000 (explorant, en fait de langue, la littérature dédiée aux enlèvements extra-terrestres). Mais c’est en définitive la coexistence, dès les premiers textes, de ces tendances divergentes qui distingue l’œuvre de Clark Coolidge ; le plus fascinant restant sans doute le perpétuel entrelacement de ces différents axes.
Chez d’autres éditeurs :
(En français uniquement)
Dernière mise à jour 2009
Livres
- Le Texte du cristal, traduction des 20 premières pages de The Crystal Text par Joseph Guglielmi et Philippe Mikriammos, Les Cahiers de Royaumont, 1989
- Dépositions smithsoniennes & Sujet à un film, traduction de Guillaume Fayard, Les Petits Matins « Les Grands Soirs », 2009
Anthologies
- Mine : un gisement d’histoires, dans 21 + 1 Poètes américains d’aujourd’hui, extrait traduit par Philippe Jaworski, Delta, 1986
- The Maintains (pages 1 à 3), envoi du 01/06/2002, dans « trad M.R. » / 25 poètes américains traduits par Martin Richet, Double Change # 4, été 2005
Revues
- Espace, extrait traduit par Joseph Guglielmi, Action poétiquen°56, 1973
- The Crystal Text, extrait, traduction collective, Action poétiquen°105, 1986
- Polaroïd par Clark Coolidge, extraits traduits par Jennifer Bonn et Éric Pesty, issue # 1, 2001
- Polaroïd par Clark Coolidge, extraits traduits par Éric Pesty, suivis de Polaroi/ïd (table alphabétique des mots du texte anglais, et des correspondances phonologiques et sémantiques des termes entre eux), issue # 3, 2003
- Polaroïd par Clark Coolidge, présentation de la lecture intégrale du texte par Éric Pesty, Le Cahier du Refuge n°136, cipM, mai 2005
- Dépositions smithsoniennes, extrait traduit par Guillaume Fayard, Les cahiers de Benjy, weblog détourné d’écritures contemporaines, mai 2006
- Mine : celle qui entre dans les histoires (1er chapitre), traduit par Guillaume Fayard, Hapax box 8, été 2008