Lire serait voir l’intérieur du déplacement
« FRAGMENT
« Ce qui peut aussi dérouter, dans les textes qui suivent, c’est leur caractère souvent discontinu, fragmentaire. Il faut donc s’arrêter un moment à cette notion de fragment.
« Dans l’acception courante du terme, le mot fragment évoque un morceau, un bout, un débris, un reste. Il renvoie à quelque chose qui a été autrefois entier, qui a été brisé et dont il ne reste que des morceaux. Un fragment de vase ou de fresque, par exemple.
« La question qui peut se poser ici est de savoir comment s’y prendre avec ce qui a toutes les apparences de morceaux de phrases, de filaments de discours, de propositions flottantes, etc. L’erreur serait de penser que pour en saisir le sens, nous aurions besoin de savoir de quel contexte caché (ou perdu) ils sont les fragments, faute de quoi nous resterions dans le brouillard.
« En fait, ces propositions, écrites noir sur blanc, sont à regarder comme autonomes et ne renvoient plus à aucun contexte préexistant. Elles sont comme les souvenirs, imprévisibles dans leur façon de surgir et de s’associer. La mémoire non plus n’est jamais linéaire. Elle procède par bonds, dans le plus grand désordre. Et quel est le sens d’un souvenir ? Un souvenir n’est ni sensé ni insensé. C’est “un instant de conviction” au présent. Nous n’en passons pas moins notre vie à fabriquer des connexions entre nos souvenirs. Qu’est-ce qui garantit le sens de ces connexions ? Notre sincérité. »
Emmanuel Hocquard, Tout le monde se ressemble,
Une anthologie de poésie contemporaine, P.O.L, 1995
Auteur : Rémi Bouthonnier
14 x 22 cm, 24 p., 9 €
978−2−917786−58−1
En stock