En finir
Par la présence implicite et pourtant prégnante de Maurice Scève, En finir s’inscrit d’emblée dans la série des livres publiés par Francis Cohen au Théâtre Typographique.
Si Monsieur Le Gros Monsieur (THTY 2004) proposait une conjugaison entre le texte de Scève et celui de Cummings ; si Zwar (THTY 2008) confrontait Scève aux mémoires du Président Schreber, En finir entreprend d’interpoler le texte de La Délie à une lecture-récriture de Moriendo de Roger Laporte. Interpolation d’une acuité extrême et propre à faire système : puisque le rapprochement trouve ici une exactitude insoupçonnée, où les mots de « l’entreprise » de Roger Laporte s’avèrent être, également, « les mots de l’amour » de Maurice Scève – actualisant ainsi l’intuition de Claude Royet-Journoud dans sa Lettre de Symi.
Cette acuité et ce système se renforcent mutuellement dans la perspective plus large d’une école d’écriture lyonnaise – selon l’hypothèse de Jean Daive, examinée dans l’Autoportrait chronique (Francis Cohen, l’Attente 2008) :
« Au téléphone, Jean me dit :
– C’est ma théorie. Il y a dans la langue française la langue impeccable de ces Lyonnais : Maurice Scève, Roger Giroux, Roger Laporte, Claude Royet-Journoud, Marcelin Pleynet. Ils pulvérisent des proses compactes. (…)
« Samedi 15 septembre, dans le jardin du Luxembourg, Jean ne cesse d’insister sur la densité lyonnaise qui sature le sens de la langue, trace devant moi une géographie de la langue lyonnaise, il dessine la compacité. » (p. 137 – 138)
Cependant, du système implacable auquel semble inviter l’interpolation Scève/Laporte, En finir ne se satisfait pas, qui produit dans son mouvement une entropie croissante, où chaque vers est temps d’arrêt, qui indétermine ce qui précède et le suit ; où chaque enjambement est un risque, et chaque page un franchissement – jusqu’à la prose finale qui paraîtra défaire le programme même du titre de ce poème.
Auteur : Francis Cohen
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